Petit frère
Voilà. J'ai peur que d'autres petits frères décèdent, que d'autres citoyens de n'importe quelle condition, âge, sexe, ou couleur, soit tué bêtement dans un incendie, un caillassage, une riposte de police.
Il ya quelques années j'ai croisé le chemin d'un petit môme discret d'origine mauritanienne. En total échec scolaire à 14 ans, issu d'une famille nombreuse, avec un père perdu entre traditions et urbanisme bétonné, et un grand-oncle autrefois mort pour la France.
Ce môme avait réussi à se réinscrire dans un cursus d'études, se mettre à avoir des projets, des envies d'avenir, et commençait à devenir un possible modèle de courage et de volonté pour ses jeunes frères déjà en perdition.
Je n'ai justement pas de petit frère. Lui était devenu comme tel. Parce que je l'aidais parfois pour ses devoirs, l'accompagnais pour ses démarches, soutenait modestement son père à l'encourager.
Il commençait à s'intéresser à la Mauritanie, à prendre conscience des questions de société, à faire du rap avec des amis, avec pour ma part, la crainte que ses propos ne se radicalise. On s'est perdu de vue plus ou moins. On s'est recroisé par hasard à la Fnac. Le petit frère était devenu plus grand que moi, digne et fier comme les peuhls sculptés par Ousmane Sow. On se reverra.
Il y a quatre ans, il a été mortellement poignardé par un type de son âge, un voisin de quartier, qui emmerdait son petit frère au sujet d'un vélo.
Les secours ont tardé à venir. Echaudés par les fausses alertes et des caillassages qui avaient eu lieu à l'époque.
J'ai été prévenu par sa famille. J'ai crié et pleuré. Ironie du sort, je me souviens avoir écouté le dernier Assassin, "Touche d'espoir".
il y a eu quelques manifestations dignes. Pas d'émeutes, pas de casse.
Mort pour rien. Mort pour des conneries.
J'ai recroisé son père une fois. Je n'ai plus contact avec lui et sa famille.
Les événements actuels me font remonter ces souvenirs. J'ai un peu hésité à parler de tout ça ici sur ce blog. La surenchère des politiques ou des casseurs me gave. J'ai pas envie d'oublier le petit frère.
Le dessin ci dessus n'est pas réellement un portrait. Je n'arrive pas à m'enlever de lui l'image définitive d'un gamin aux grands yeux doux et tristes.